Clarisse Chabernaud – Sorbonne Université – ED433 « Concepts et langages » – STIH
« Approche linguistique et stylistique du corpus tragique de Jean Racine : note sur les noms propres »
Préambule
Pour fournir une analyse stylistique des tragédies de Racine, j’ai choisi de me concentrer sur les éléments saillants des intrigues : les personnages et les lieux – proches ou lointains, réels ou fantasmés. L’étude des noms propres permet de mener une enquête efficacement encadrée par la linguistique et entièrement capable de s’adapter à des enjeux littéraires et discursifs. Les ouvrages de la linguistique du nom propre insistent sur ce point : le nom propre est un signe linguistique et un objet mondain – il sera question de cette double nature infra. Mais pourquoi les noms propres, pourquoi dans la tragédie et pourquoi Racine ?
Parce qu’ils sont des relais et des soutiens de l’interlocution, les noms propres font revenir d’une manière nouvelle et complémentaire sur la description de la situation énonciative au théâtre. Ils sont très fréquents dans les dialogues pour désigner l’interlocuteur, en fonction presque phatique (« Oui, Créon, la chose est résolue », La Thébaïde, I, iv, v. 219) ou pour désigner un délocuté (« Rome en effet triomphe, et Mithridate est mort », Mithridate, I, i, v. 2) – présent ou absent de la scène. Le nom propre offre ainsi la possibilité de décrire ces textes sans occulter leur spécificité énonciative – celle de la double énonciation et du discours surpris – en la mettant même au premier plan.
De plus, la majorité des noms de personne sont des noms propres historiques et convoquent chez le lecteur-spectateur ou le destinataire un horizon d’attente quant à ces personnages et à leur histoire, laquelle fait partie d’un stock commun de connaissances encyclopédiques. Les noms propres sont donc, pour cette raison également, tout désignés pour étudier des textes tragiques, une tragédie étant une pièce de théâtre mettant en scène des personnages nobles, des souverains, des « grands » et donc des « grands noms ». L’enjeu est alors de relever 1) ce que le dramaturge fait de ces connaissances encyclopédiques et littéraires, que l’on peut considérer comme son socle de composition des caractères ; 2) ce qu’il choisit d’ajouter ou de supprimer : d’analyser le « contenu » du nom propre[1] forgé tout au long d’une intrigue, et qui fait que la Phèdre de Racine n’est pas celle d’Euripide.
La formule « le/la x de Racine » conduit à répondre à la dernière interrogation. Il semble que dans sa manière de composer des tragédies, Racine se soit grandement intéressé aux caractères des personnages et à la notion de personnage tragique telle que définie par Aristote dans la Poétique. Tristan Alonge décrit ce parti-pris comme étant le fondement de l’esthétique tragique de Racine, et parle volontiers de « révolution racinienne » dans Racine et Euripide :
Comme il nous le rappelle incessamment dans ses préfaces, au centre de la réflexion dramaturgique du poète de la Ferté-Milon se situe, en effet, le « personnage tragique », ni tout à fait coupable, ni tout à fait innocent, tel que défini par Aristote dans sa Poétique. Fidèle à ce secret des Anciens qu’il a pu retrouver dans la tragédie grecque, c’est en axant ses pièces autour du cette notion que Racine se propose de bousculer les codes dramaturgiques de l’époque, en attribuant un rôle central au personnage.[2]
Il ajoute qu’à la lecture des Discours de Corneille se mesure la nouveauté de Racine dans la manière de « fabriquer des pièces » : chez Corneille « l’essentiel de l’attention porte sur la recherche d’une intrigue complexe, riche en coups de théâtre, capable de toucher le spectateur par des retournements soudains […][3] ». La « caractérisation psychologique » retient davantage l’attention de Racine que la construction de l’intrigue et la dramaturgie, « […] c’est du moins ce qu’autorise à penser une analyse exhaustive des annotations aux tragiques grecs [il est question dans ce développement d’éditions en grec ancien de Sophocle et Euripide]. Sur treize pièces annotées, sept d’entre elles présentent des remarques de ce type ; […][4] ».
La compréhension et la juste représentation des caractères sont donc centrales dans la conception racinienne de la tragédie. Le caractère de x le pousse à agir ou réagir de telle manière et le caractère de y de telle autre manière. Les actes sont définis et dépendants des caractères, mais les événements peuvent aussi bousculer les caractères – phénomène également repris aux tragiques grecs[5]. Or la base d’un caractère est donnée à Racine par un nom : s’il veut représenter un caractère apte à fauter dans l’inceste il représentera Phèdre et évoquera Œdipe ; s’il veut représenter les caractères de deux frères ennemis il représentera Polynice et Étéocle ; s’il veut représenter la folie amoureuse il choisira Oreste et Hermione ; la cruauté, Néron et Agrippine ou encore Athalie ; la piété et le sacrifice, Iphigénie et Esther.
Quels sont dès lors les outils utilisés pour mener à bien ce relevé et cette étude des noms propres dans le corpus tragique de Racine ? Quelle ligne directrice donner à un travail stylistique amplement dépendant de la linguistique du nom propre, élaborée sur des corpus récents en français contemporain ? Quelles difficultés méthodologiques ou pratiques émergent des recherches ?
I) Les outils de la linguistique et de la philosophie logique
a) La linguistique du nom propre : essor et principales approches
Notre premier outil est bien évidemment la bibliographie linguistique consacrée au nom propre. Cette bibliographie est en constant progrès depuis la fin des années 1970 et le début des années 1980. Michèle Noailly a d’abord posé la question de la possibilité de penser le nom propre comme une catégorie grammaticale à part entière et s’est intéressée à ses spécificités syntaxiques (voir notamment 1978, 1983, 1984, 1991, 2001). En parallèle, la publication de la thèse de Georges Kleiber en 1981 assortit ce mouvement d’essor d’un volet sémantique, en déplaçant les recherches sur le sens du nom propre de la logique à la linguistique. Les deux approches – syntaxique et sémantique – se trouve résumées et opposées dans Noailly (1987).
On trouve ensuite les travaux de Marie-Noëlle Gary-Prieur (1994 et 2001) et de Kerstin Jonasson (1994), qui reviennent sur les différentes constructions du nom propre, et où la distinction entre nom propre standard et nom propre modifié, déjà présente chez Kleiber, est reprise en tant qu’axe structurant – mais tous les linguistes ne s’entendent pas sur une acception commune de la « modification » du nom propre[6], qui dispose elle aussi à ce jour d’une bibliographie conséquente[7].
C’est la définition du sens du nom propre, ou plutôt sa caractérisation, qui s’est longtemps trouvée au centre des débats. Dans (1981), Kleiber considère le nom propre comme l’abréviation du prédicat de dénomination « être appelé /N/ ». Suite à des critiques[8], il revient sur cette affirmation et théorise un sens dénominatif instructionnel à l’occasion du Colloque de Brest en 1994. Le sens dénominatif n’est « alors plus conçu comme une propriété ou description du référent, mais comme l’instruction de chercher et de trouver dans la mémoire stable le référent qui porte le nom en question » (1996 : 573) après avoir acquis la compétence référentielle d’utiliser X pour x – je dois apprendre le lien conventionnel reliant le nom d’un individu à cet individu (1981 : 313-315) pour pouvoir l’appeler par son nom.
L’autre élément majeur, et il l’est aussi pour nos recherches sur textes, est la double nature du nom propre, présentée au seuil de Jonasson (1994) et développée dans Gary-Prieur (2001, 2005, 2009) et Laurent (2016a et 2016b). Cette double nature explique les difficultés de la grammaire à intégrer le nom propre, un signe « en marge de ce système de conventions linguistiques[9] ». Le nom propre est « à la fois un objet du monde et un signe de la langue » : « c’est un objet du monde en tant que propriété, aux deux sens du terme, de son référent ; c’est un signe de la langue en tant qu’il s’inscrit dans un système morphophonologique donné[10] ». Cette double nature amène Nicolas Laurent à distinguer le « Np-propriété » du « Np-expression », le « Npr-propriété » étant « le Np porté par l’individu dans le monde » et le « Np-expression », « le Np qui réfère à l’individu en tant qu’il porte ce Np-propriété : tel x s’appelle Paul (Np-propriété) et peut, en conséquence, être désigné par le Np-expression “Paul”[11] ». C’est cette double nature qui l’amène par ailleurs à conserver les deux versions du sens dénominatif du nom propre (prédicatif et instructionnel), et nous les conservons également car la double nature du nom propre est l’élément le plus important pour notre lecture du corpus : elle permet en effet d’envisager l’articulation entre l’approche grammaticale et l’approche discursive. En prenant soin de rappeler la polysémie du terme discours, à la suite de M.-N. Gary-Prieur dans la postface au collectif Le Nom propre en discours[12], on peut importer dans l’analyse textuelle les apparitions du nom propre en tant que « mot du discours[13] » (d’après les descriptions qui en sont faites dans les approches grammaticales), et caractériser la construction d’un « référent discursif » (Gary-Prieur 2001 : 61, nous reprenons dans un sens étendu cette notion).
En relevant de manière exhaustive tous les noms propres des pièces – après avoir explicité une critériologie de l’objet « nom propre » pour mon corpus – il m’est ainsi possible de m’appuyer sur les théories discursives du nom propre, comme celles de Michelle Lecolle à propos des toponymes présentées plus bas. La signifiance du nom propre, théorisée par Paul Siblot dans le cadre de la linguistique praxématique, fournit un socle théorique complémentaire permettant de mettre au premier plan l’idée d’une construction du sens dans les textes. La question du sens du nom propre sera de nouveau abordée plus bas, après un point sur les approches interactionnistes.
b) Les approches interactionnistes
Afin de rendre compte de la totalité des occurrences de noms propres rencontrées dans le corpus, un classement est nécessaire, et celui-ci sera construit d’un point de vue sémantico-pragmatique. Le classement des noms propres de personne, surtout, est pensé selon deux grands types, et souligne dans son fonctionnement même l’intérêt d’une démarche interactionniste : d’un côté les noms propres allocutifs, classés selon la présence ou l’absence du porteur, et de l’autre les noms propres délocutifs, faisant appel à la même subdivision. Cela permet d’une part d’avoir, pour chaque tragédie, un aperçu de tous les anthroponymes qui apparaissent au cours des cinq actes, mais aussi d’avoir pour chacun d’eux des informations sur les modalités de leur apparition.
Les théories interactionnistes sont alors largement convoquées pour fournir une lecture du classement. Les spécificités du dispositif énonciatif de la communication théâtrale sont définies, entre autres, dans Kerbrat-Orecchioni (1984). Elle rappelle, à la suite de P. Larthomas, que le langage théâtral est un « langage surpris[14] » et qu’il y a donc au théâtre non pas un émetteur conversant avec un récepteur, mais « une chaîne d’émetteurs/récepteurs, un emboîtement d’instances énonciatives[15] » représenté dans un schéma (1984 : 48) faisant état de cet « emboîtement » à partir du « pôle d’émission » et du « pôle de réception », chacun subdivisé en trois « actants » se répondant et formant l’emboîtement (auteur vers public, personnage vers personnage, acteur vers acteur). Cependant, elle précise immédiatement
[…] que la seule instance conversationnellement pertinente, c’est celle des personnages : c’est par rapport aux seuls personnages que fonctionnent les déictiques, et les maximes conversationnelles.[16]
C’est donc « par rapport aux seuls personnages que fonctionnent » les noms propres pris dans l’interaction, et la typologie en « nom propre allocutif » et « nom propre délocutif » s’applique à leur niveau. Le public, ou lecteur-spectateur, a un statut de destinataire indirect.
La relation interpersonnelle telle qu’étudiée dans Kerbrat-Orecchioni (1992) entre relation horizontale et relation verticale décrit les noms propres comme des termes d’adresse, renseignant sur le degré de familiarité des interactants. Il en est également question dans un article ultérieur (2016), où la relation verticale ou « hiérarchique » est exemplifiée à partir d’exemples de la relation maître-valet dans le théâtre comique : le nom propre y est un terme d’adresse permettant de formuler les actes de langage caractéristiques de la relation verticale – « ordre, interdiction, autorisation, conseil, critique, reproche, réfutation, moquerie, insulte, etc.[17] ». Ces éléments, transposés (avec les ajustements nécessaires) à la tragédie, attirent mon attention sur la manière dont les personnages de Racine s’adressent les uns aux autres, pour dégager des constantes dans l’usage allocutif du nom propre notamment.
c) La philosophie du langage
Si la linguistique et la grammaire ont tardé à s’intéresser au nom propre, son statut et son sens ont au contraire longtemps retenu l’attention des philosophes. Les premières réflexions spécifiquement axées sur le nom propre et son lien avec l’objet qu’il désigne sont celle de John Stuart Mill ; on trouve ensuite, entre autres, celles de Bertrand Russell et Saul Kripke[18]. M.-N. Gary-Prieur souligne la proximité entre logique et grammaire à propos du nom propre :
[…] la différence de point de vue est immédiatement claire entre grammaire et anthropologie, grammaire et onomasiologie par exemple. Il est moins facile d’opposer grammaire et logique : on sait leur origine commune dans notre tradition. Et en ce qui concerne le nom propre, en particulier, le fondement même de la définition tient à son statut logique de terme singulier. Il est très facile de glisser d’une perspective logique à une perspective linguistique.[19]
Il sera surtout question ci-dessous des théories de S. Kripke car Stuart Mill et Russell considèrent le nom propre comme une constante individuelle ou comme l’abréviation d’un contenu descriptif, thèses qui ont été remises en cause par l’apport de Kripke précisément. Si la thèse de Kripke, selon laquelle le nom propre est un désignateur rigide, est invalidée par le fait que le phénomène de rigidité n’est pas un trait spécifique des noms propres, elle a le mérite d’attirer notre attention sur le parcours d’un référent tel que Phèdre, désigné par le nom « Phèdre », d’Euripide à Racine. La thèse logique du désignateur rigide stipule qu’un nom désignera toujours le même référent dans n’importe quel monde possible et selon trois propriétés essentielles qu’il doit conserver : l’origine, la forme et la matière. L’origine est la naissance, la forme et la matière sont par exemple le caractère humain de Phèdre (ou de Nixon et de la reine d’Angleterre, pour reprendre les exemples de Kripke). Il écrit :
[…] nous appellerons quelque chose un « désignateur rigide » si dans tous les mondes possibles il désigne le même objet, et « désignateur non rigide » ou « accidentel » si ce n’est pas le cas.
[…]
[…] les noms sont des désignateurs rigides. Ils satisfont sans aucun doute au test intuitif mentionné plus haut : bien qu’il eût été possible que quelqu’un d’autre que celui qui est en fait le président des États-Unis en 1970 soit le président des États-Unis en 1970 (par exemple, Humphrey aurait pu l’être), personne d’autre que Nixon n’aurait pu être Nixon.[20]
C’est en vertu de cette rigidité que se crée un horizon d’attente chez le spectateur venu voir une tragédie de Racine. Les préfaces des pièces montrent une conscience très nette du dramaturge de ce phénomène. Dans celles d’Alexandre le Grand et Britannicus se trouvent des défenses de ses parti-pris de composition des caractères des deux souverains, car certains critiques les ont trouvés trop comme ceci, ou trop comme cela, en écart donc par rapport à une norme que tous les spectateurs auraient et selon laquelle Alexandre est le souverain le plus intrépide de l’Antiquité, Néron l’empereur le plus cruel de la dynastie des julio-claudiens. Racine écrit :
Ils disent que je fais Porus plus grand qu’Alexandre. Et en quoi est-il plus grand ? Alexandre n’est-il pas toujours le Vainqueur ?
Il y en a qui ont pris même le parti de Néron contre moi. Ils ont dit que je le faisais trop cruel. Pour moi je croyais que le nom seul de Néron faisait entendre quelque chose de plus que cruel.[21]
La tournure verbale « faire x » révèle bien la transposition de x, désigné par X, dans un autre monde, et des choix opérés lors de cette transposition. Le caractère des personnages est au centre de débats car ils sont sentis par les contemporains comme l’une des « propriétés essentielles » présentées par Kripke – origine, forme et matière. Or il n’en est rien : les porteurs doivent avoir la même naissance (pour être des souverains, des confidents, des amis, ou des suivants dans tous les mondes possibles) et un aspect humain, mais leurs actes et les raffinements de leurs caractères sont du choix de l’auteur – tout de même limité dans ses éventuels écarts par la toute-puissante vraisemblance.
Les préfaces, parce qu’elles présentent une vraie réflexion sur les porteurs des noms propres et ce qu’évoquent les noms (« je croyais que le nom seul de Néron faisait entendre quelque chose de plus que cruel »), forment un micro-corpus à traiter spécifiquement dans mes recherches. Il en va de même des listes des acteurs au seuil des textes, pour lesquelles la thèse logique des noms propres descriptifs peut être reconvoquée. Cette théorie considère que le nom Socrate est l’abréviation de la description définie « le maître de Platon » ou « le philosophe qui a bu la cigüe[22] ». Mais Kripke fait remarquer que certains énoncés deviendraient tautologiques, comme « Socrate était le maître de Platon ». De plus, il est impossible de savoir quel trait descriptif est sélectionné pour chaque occurrence du nom « Socrate » dans un énoncé. Les complications communicationnelles ont ainsi entraîné l’abandon de la thèse de Russell en logique et en linguistique. Mais ces complications communicationnelles n’apparaissent pas dans les listes des acteurs au seuil des tragédies… Celles-ci présentent le plus souvent un nom propre, défait de tout lien référentiel à un porteur, mais accompagné d’une description définie. Par exemple :
BAJAZET, Frère du Sultan Amurat.
ROXANE, Sultane, Favorite du Sultan Amurat.
ATALIDE, Fille du Sang Ottoman.
ACOMAT, Grand Vizir.[23]
Les descriptions définies sont une première entrée dans les enjeux de l’intrigue : c’est parce que Bajazet est le « frère du Sultan Amurat » que l’on peut supposer que sa vie est en danger (les frères de souverains régnant sont des menaces politiques) et c’est parce que le nom d’Amurat ne fait pas partie de cette liste en tant qu’item détaché que l’on sait que ce personnage ne sera pas présent, et donc qu’une intrigue amoureuse peut avoir lieu, mettant en jeu Bajazet, Roxane et Athalide. C’est aussi grâce aux descriptions définies que l’on perçoit d’emblée l’intrication de l’amour et de la politique : Bajazet est « frère » (lexique de la famille) mais d’un « sultan » (lexique politique), et Roxane est à la fois désignée comme « sultane » et comme « favorite ».
Surtout, le réseau dénominatif qui se crée est comparable à un montage électrique en série (reliant des ampoules entre elles, et lorsqu’un segment est endommagé, l’énergie électrique ne peut plus circuler d’une ampoule à une autre). Le décodage des noms « Bajazet » et « Roxane » est dépendant de la présence de celui d’« Amurat », décrit comme « sultan ». C’est pour cette raison que la thèse descriptiviste nous semble particulièrement pertinente pour ces textes : sans en faire une grille de lecture absolue, il est fécond de la garder à l’esprit pour expliquer l’utilisation par Agrippine du nom propre modifié « l’ingrat Néron » à plusieurs reprises dans Britannicus. Néron est ingrat précisément parce qu’il est le fils d’Agrippine, et que dans l’univers de croyance d’Agrippine (Martin 1987), il lui doit tout.
II) Les contraintes de cette approche
Le très grand nombre d’occurrences d’anthroponymes et de toponymes à relever et l’impossibilité de travailler sur corpus numérisé constitue la première difficulté du travail. Un corpus numérisé ne permettrait en effet pas de cibler efficacement les occurrences de nom propre. Le critère de la majuscule n’est pas opérant car bon nombre de noms communs et d’adjectifs présentent une majuscule initiale (« C’est moi qui prête ici ma voix au Malheureux » Athalie, II, v, v. 574), sans parler des initiales en début de vers. De plus, un relevé numérique ne prendrait pas en compte dans leur totalité les occurrences de noms propres modifiés tels que « la triste Iphigénie » (Iphigénie, V, ii, v. 1590). Un exemple de nom propre modifié dans Britannicus montre même les possibles répercussions de la modification du nom propre sur la structure syntaxique et la construction de l’alexandrin. Agrippine dit à Albine son inquiétude quant au projet de répudiation d’Octavie par Néron pour épouser Junie :
Jusqu’ici d’un vain titre Octavie honorée
Inutile à la cour, en était ignorée. III, iv, v. 883-884.
Le rétablissement de l’ordre des mots conduit à insérer une occurrence supplémentaire du verbe être :
(1) Jusqu’ici honorée d’un vain titre, Octavie était inutile à la cour et en était ignorée.
Dans le vers de Racine, la structure attributive observée pour « honorée d’un vain titre », sans recours au verbe être, rappelle la tournure du participe passé latin. Les traducteurs du latin vers le français font de Sicilia amissa soit un SN soit une subordonnée rétablissant explicitement la prédication[24]. Le rétablissement de l’ordre des mots pour le vers de Racine peut être le suivant :
(1) Jusqu’ici Octavie, qui était honorée d’un vain titre, était inutile à la cour et en était ignorée.
La suppression du verbe être pour « inutile » est le résultat d’un mimétisme de construction avec ce qui précède, le participe passé en emploi adjectival « honorée » paraphrasant une relative à verbe être. Dans ce rétablissement de la phrase, le nom propre est standard (« Octavie »). Le vers de Racine, lui, repose sur une tournure elliptique qui modifie en profondeur l’apparition du nom propre et en fait un nom propre modifié par groupe adjectival : « Octavie honorée d’un vain titre ». La structure de ce nom propre modifié a donc des répercussions sur la structure syntaxique du vers suivant comme on l’a dit, puisqu’« inutile à la cour » est aussi un groupe adjectival sans verbe être et il n’est même pas séparé d’« honorée » par une virgule. Les deux groupes adjectivaux sont le lieu d’un enjambement tout à fait remarquable grâce auquel le vers 883 tend à imposer au vers 884 une tournure identique, comme si la modification du nom propre s’étendait sur deux vers. Cela traduit parfaitement les motivations d’Agrippine : elle place Octavie au centre de son propos pour mieux montrer son inutilité, son effacement, son absence des affaires politiques grâce à une tournure elliptique mettant en avant le prédicat du second hémistiche du vers 884, qui lui est séparé par une virgule et fait apparaître le verbe être : « en était ignorée ».
Il va sans dire qu’un relevé numérique ne permet pas de percevoir ce genre de finesse syntaxique. D’autant plus que la limite de la modification d’un nom propre peut être, on le voit dans cet exemple, le lieu d’une interrogation à part entière. Les occurrences de Npr+p.passé sont d’ailleurs nombreuses et font s’interroger sur les principes de traduction et d’adaptation de certaines tournures latines, pour lesquelles la consultation d’ouvrages comme la Grammaire du français classique est essentielle.
La deuxième contrainte d’une approche stylistique portée par la linguistique du nom propre est la fréquente indécision quant au(x) sens en contexte d’un anthroponyme ou d’un toponyme. La construction du sens en discours peut être extrêmement variable. La notion de « contenu » se définit comme un ensemble de connaissances associées au porteur mais qui diffèrent de connaissances encyclopédiques, c’est « un ensemble de propriétés du référent initial associé au nom propre qui interviennent dans l’interprétation de certains énoncés contenant ce nom » :
La connaissance encyclopédique du référent d’un nom propre se construit en dehors du discours. Elle est représentée par les dictionnaires de noms propres qui, […], ne sont d’aucune utilité pour comprendre une occurrence de nom propre dans un énoncé. Ce que j’appelle « connaissance discursive » du référent initial c’est au contraire une connaissance certes empruntée à la connaissance encyclopédique, mais qui a sa source dans le discours lui-même. Cette distinction rend compte du fait que pour utiliser ou interpréter un nom propre, même dans les constructions qui requièrent un recours à son contenu, il n’est pas nécessaire de tout savoir sur son référent initial.[25]
On peut donc mettre en rapport un « référent initial » et un « référent discursif » et voir quelles « connaissances discursives » sont proposées et mises en place pour ce « référent initial ». En somme quelles connaissances on peut obtenir sur le référent initial Néron à partir du traitement discursif du nom « Néron ». L’idée est même de reprendre l’idée d’un « concept individuel » (Laurent 2016b) associé au nom propre pour l’étude du rapport entre un nom et son porteur sur toute une réplique, tout un acte et toute une pièce. C’est ce que l’on peut appeler image discursive progressive ou accumulative du référent en reprenant le concept d’« image discursive » dans un sens étendu : en associant des curseurs temporels aux moment-clés des intrigues, quelle image discursive peut-on capturer des référents ? Quelle image discursive progressive du référent Néron est construite à la fin de la scène d’exposition de Britannicus et quelle image discursive accumulative du référent Néron obtient-on à la fin de la pièce ? C’est ce que je tente d’étudier pour les figures les plus saillantes du corpus, en considérant leurs noms comme regroupant des connotations dont le nombre et la précision évoluent tout au long de l’intrigue.
La fréquente indécision quant au(x) sens des noms propres en contexte est particulièrement notable à propos des toponymes. Michelle Lecolle a abordé leur polyvalence, polyréférentialité et polysignifiance dans une série d’articles consacrés aux noms de lieux habités – largement repris pour ma lecture des occurrences. Elle écrit :
En tant que signe, le toponyme (et principalement le nom de lieu habité) est fortement polyvalent, ce qui signifie, d’un point de vue sémantique, qu’il a plusieurs valeurs, mais aussi, d’un point de vue discursif, qu’il est employé selon les discours et les genres.[26]
Le toponyme peut en effet « désigner l’ensemble des habitants d’un lieu » (1), « prendre un sens événementiel » (2) ou encore « désigner une instance institutionnelle (pays, gouvernement, gouvernant) » (3) :
(1) Rome ne porte point ses regards curieux
Jusque dans des secrets que je cache à ses yeux. (Britannicus, III, viii, v. 1049-1050)(2) Qu’on fasse de l’Épire un second Ilion. (Andromaque, II, ii, v. 564)
(3) Rome poursuit en vous un Ennemi fatal,
Plus conjuré contre elle, et plus craint qu’Annibal. (Mithridate, III, i, v. 913-914)
Mais les hésitations commencent quand ces valeurs se superposent : elles peuvent « se combiner ou encore demeurer indistinctes » et l’interprétation « “est dépassée au profit d’une signification intermédiaire et indistincte”[27] ». C’est pour cette raison que les toponymes doivent bénéficier d’une « interprétation spécifique, largement tributaire du contexte[28] ». Il est bien question de « construction » du sens et de la valeur : « l’interprétation de leurs occurrences dans les textes doit être envisagée en termes de construction plutôt qu’en termes de reconnaissance[29] ». Mais comment caractériser une « signification intermédiaire et indistincte » ? Comment décrire cette « construction » et a-t-elle des étapes décelables grâce à l’entourage immédiat du toponyme ? Y a-t-il une valeur spécifique pour les noms propres de lieu inscrits dans un texte de genre tragique ? Ce sont ces questions qui font surface à la lecture d’occurrences telles que « Babylone, Seigneur, à son Prince fidèle, / Voyait sans s’étonner notre Armée autour d’elle » (Bajazet, I, i, v. 17-18). Le nom propre « Babylone » peut désigner métonymiquement les habitants, mais active aussi et sûrement un sens de type 3 (institutionnel) pour désigner le gouvernement. Il semble ici que la figure de la personnification, construite à l’aide du cotexte (l’adjectif « fidèle », le verbe de perception « voir » et le complément circonstanciel renseignant sur une attitude « sans s’étonner ») permette aux différentes valeurs du toponyme de cohabiter. Ce phénomène s’observe en fait pour d’autres noms propres de lieu, ce qui me conduit à formuler une hypothèse de lecture mettant en rapport la sémantique référentielle et les figures de rhétorique : les différentes valeurs et emplois des noms propres – des données de sémantique référentielle – seraient interprétables et compatibles grâce l’élaboration plus globale d’un sens figural, grâce à la facilité avec laquelle le nom propre se prête à des emplois figuraux.
Conclusion
Pour terminer cette brève présentation de l’intérêt, des outils et des difficultés d’une telle recherche, je reviendrai sur le lien, inattendu au départ, entre littérature classique et philosophie logique. Car si la fiction est parfois pensée comme un « monde possible », avec les nuances nécessaires à apporter à cette comparaison[30], il semble que les théoriciens de la fiction aient surtout à l’esprit la fiction narrative. Françoise Lavocat signale en effet que les théoriciens de la fiction ne prennent presque jamais en compte la période allant du xvie au xviiie siècle :
En effet, l’idée de mimesis, la définition même des « mondes possibles », dans une acception large, comme « alternative crédible au monde réel », restaurent implicitement comme parangon la forme narrative ayant porté à son plus haut degré l’art de la vraisemblance et de « l’effet de réel », […].[31]
Pourtant, s’il y a création d’une unité cohérente et d’un « monde », c’est bien dans l’intervalle temporel précis d’une pièce de théâtre et sur le lieu précis d’une scène de théâtre.
De plus, si l’importation en littérature de la notion logique de « monde possible » a déjà été proposée, elle ne l’a pas forcément été à partir de l’objet linguistique qu’est le nom propre. Les trois disciplines seront, on l’espère, connectées de manière féconde dans la méthodologie élaborée pour une lecture des intrigues comme des mondes structurellement cohérents et clos, peuplé de personnages désignés rigidement par un nom (le plus souvent) historique.
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[1] La notion est théorisée par M.-N. Gary-Prieur dans (1994). Elle sera présentée plus bas et fait l’objet d’un élargissement dans cette approche.
[2] Alonge, T. 2017 : 15.
[3] Ibid.
[4] Ibid., p. 27. Il est question par exemple de quatorze annotations psychologiques dans Hippolyte d’Euripide, de la tentative de « fixer le caractère des protagonistes principaux » dans Médée, et de l’extension de cette préoccupation aux personnages mineurs dans l’Électre de Sophocle et les Phéniciennes. Voir 2017 : 28-29.
[5] « Quoi qu’il en soit, il ne lui a pas échappé que pour les Grecs, le développement de l’intrigue peut exercer une influence sur le caractère du personnage, et vice-versa, une caractérisation n’est jamais figée, au contraire elle évolue, […] ». 2017 : 30.
[6] Voir Gary-Prieur (2005).
[7] Voir le n°146 de la revue Langue française pour un aperçu de la question.
[8] Le prédicat de dénomination permet d’analyser des énoncés sur lesquels achoppait la philosophie logique de Kripke (comme « un certain Paul Durand a sonné » en paraphrasant comme suit : « un certain x appelé /Paul Durand/ a sonné ») mais il échoue à paraphraser les emplois métonymiques, métaphoriques ou d’exemplarité du nom propre, comme remarqué dans Gary-Prieur (1989).
[9] Jonasson, K. 1994 : 7.
[10] Gary-Prieur, M.-N. 2009 : 154. La deuxième citation est la note de bas de page numérotée 1.
[11] Laurent, N. 2016a : 94.
[12] D’un point de vue grammatical il s’oppose à langue, « le discours est la mise en œuvre de la langue par un sujet parlant » ; d’un point de vue énonciatif il s’oppose à phrase et « désigne un ensemble d’énoncés présentant une cohérence interne régit par des règles qui ne se limitent pas à celles de la grammaire ». Dans 2009 : 154-155.
[13] Gary-Prieur, M.-N. 2009 : 155.
[14] Elle cite Larthomas, P. [1972] 2012 : 436.
[15] Kerbrat-Orecchioni, C. 1984 : 47.
[16] Ibid., p. 48.
[17] Kerbrat-Orecchioni, C. [2008] 2016 : 70.
[18] Pour un bilan des théories de la logique sur le nom propre, voir Kleiber (1981 : 349-383), Martin (1987 : 137-144) et Gary-Prieur (1994 : 14-25).
[19] Gary-Prieur, M.-N. 1994 : 13.
[20] Kripke, S. [1972] 1982 : 36.
[21] Racine, J. 1999 : 126 et 372.
[22] Russell, B. [1918] 1989 : 359-360.
[23] Ibid., p. 560.
[24] Consulter par exemple l’article Storme (2010).
[25] Gary-Prieur, M.-N. 1994 : 51-52.
[26] Lecolle, M. 2015 : 219
[27] Lecolle, M. 2006 : 108. Même référence pour les citations qui précèdent. Dans la dernière phrase, elle cite Fuchs, C. 1991.
[28] Lecolle, M. 2006 : 108.
[29] Ibid.
[30] F. de Chalonge écrit dans sa contribution au collectif Usages et théories de la fiction que la théorie des mondes possibles peut « prendre en compte la fiction, qui, réalité potentielle ou contrefactuelle, s’apparente volontiers à de tels mondes, quoique le monde fictionnel ne puisse pas être directement assimilé à la catégorie élaborée par Kripke » (2004 : 23) ; et R. Martin écrit au sujet de la fiction qu’elle « crée l’illusion du vrai », qu’elle n’est pas un monde contrefactuel mais un univers à part entière où « comme dans tout autre univers, s’opposent le monde “de ce qui est”, les mondes potentiels et les mondes contrefactuels » (1987 : 17).
[31] Lavocat, F. 2004 : 10.