Laboratoires Fablitt et Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines
5e colloque de l’Association Internationale de Stylistique
Université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis
18-19-20 octobre 2022
Appel à communication
Depuis quelques années, les rapports entre science et imaginaire, longtemps considérés comme antinomiques, sont régulièrement interrogés, posant plus particulièrement la question du rôle dans le débat scientifique des sciences humaines, des études culturelles, ou des études littéraires. Une longue tradition considère ainsi l’imagination comme facteur d’erreur et de fausseté, obstacle épistémologique dont la science doit se défaire, prônant une stricte abstraction de la connaissance et traçant, vers la rationalité abstraite, une route bien distincte de celle qui mène à la création, au rêve, à la fiction, à la poésie. Une autre approche fait de l’imagination le point d’appui de la réflexion scientifique, avec des savants qui reconnaissent, dans leurs recherches, le rôle de l’image ou de l’invention.
Le champ des études sur la langue reconduit ce clivage, avec une habitude institutionnelle qui oppose sciences du langage et études littéraires, métalinguistique et épilinguistique, grammaire et expressivité, stylistique littéraire et stylistique de la langue, et des travaux qui ont fait une place en langue aux idées de sentiment linguistique (Saussure), de créativité verbale (Coseriu), de prototype ou de stéréotypie linguistique, de normes subjectives ou de « surconscience linguistique » (Lise Gauvin), des recherches qui ont tenté de développer une linguistique de l’imagination (Anne-Marie Houdebine) ou une linguistique du rythme (Meschonnic), sans oublier tous ceux qui ont fourni les bases de cette réflexion en insistant sur les liens entre langue et mythe (Vico), sur la langue comme energeia, comme activité créatrice (Humboldt), ou sur la philosophie des formes symboliques (Cassirer), croisant ainsi la pensée d’écrivains qui envisagent le style comme « manière de vivre la langue » (Hugo) ou comme contestation de la « langue empreinte » (Glissant).
En matière de connaissance de la langue, y a-t-il rupture ou continuité entre la représentation, par les linguistes, du système de la langue et l’image que dessinent les écrivains à partir de leur usage singulier ? La différence est-elle de nature ou d’échelle d’observation ? Quelle est la portée heuristique du sentiment linguistique des écrivains ? Quel type de geste théorique se lit dans leur pratique stylistique ? théoriciens et praticiens de la langue servent-ils des modes de représentation opposés ? Doit-on les hiérarchiser ? De quelle manière tel ou tel imaginaire de la langue fait-il évoluer la compréhension de la langue ? Quels champs des sciences du langage peuvent être concernés ? voilà quelques questions qui serviront d’axe problématique au cinquième colloque de l’AIS qui, après Rennes en 2008, Caen en 2011, Lyon en 2015 et Aix en 2018, se tiendra à l’Université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis, les 18, 19 et 20 octobre 2022.
Ces questions pourront être abordées, à la fois comme support théorique et comme terrain d’expérimentation pratique et selon différentes perspectives :
- éclairage théorique, par exemple sur les notions d’imaginaire de la langue ou du discours, d’imaginaire linguistique ou langagier chez les linguistes ou les écrivains, mais aussi sur la distinction, souvent reconduite, entre grammaire et expressivité ;
- approche descriptive d’imaginaires linguistiques en pratique, à partir de l’étude de cas documentant le rapport intime du sujet à la langue ou l’influence que l’imaginaire linguistique à l’œuvre dans les textes littéraires peut avoir sur les normes systémiques ou les usages ;
- contextes, paliers de pertinence et observatoires (discours, genre, texte, période, phrase etc.) ;
- analyse des discours sur l’imaginaire linguiste (métaphores des linguistes, observatoires non-littéraires des imaginaires linguistiques, dramaturgie épistémologique, dialogue entre linguistes et écrivains etc.) ;
- poétique et politique des imaginaires de la langue, fonctions éthiques, mais aussi liens entre modèles linguistiques et enjeux identitaires, culturels ou nationaux ;
- plurilinguisme interne et externe des écrivains, diglossie et clivage entre langue maternelle et langue culturelle, langue de relation et langue d’institution ;
- ressources techniques de détection automatisée (corpus numériques, outils lexicométriques etc.) ;
- approche diachronique, histoire des représentations linguistiques et des pratiques stylistiques, rôle du style d’auteur dans l’activité néonymique, la dynamique syntaxique ou la grammaticalisation.
Éléments de bibliographie
Branca-Rosoff, Sonia, « Les imaginaires des langues » dans H. Boyer (dir.), Sociolinguistique, Territoire et objets, Lausanne, Delachaux et Niestlé, 1996, p. 77-114.
Canut, Cécile, « Subjectivité, imaginaires et fantasmes des langues : la mise en discours “épilinguistique” », Langage et société, 2000/3, n°93, p. 71-97.
Cerquiglini, Bernard, Une Langue orpheline, Paris, Minuit, 2007.
Charaudeau, Patrick, « les stéréotypes, c’est bien, les imaginaires, c’est mieux », dans Boyer H. (dir.), Stéréotypage, stéréotypes : fonctionnements ordinaires et mises en scène, L’Harmattan, 2007.
Gauvin, Lise, La Fabrique de la langue : de Rabelais à Réjean Ducharmes, Paris, Seuil 2004
Glissant, Édouard, L’Imaginaire des langues, entretien avec Lise Gauvain, Paris, Gallimard, 2010.
Houdebine, Anne-Marie, « De l’imaginaire linguistique à l’imaginaire culturel », Linguistique, vol. 51, 2015/1, p. 3-40.
Lardon, Sabine, Rosellini, Michèle, L’Imaginaire des langues. Représentations de l’altérité linguistique et stylistique (XVIe-XVIIIe siècle), Cahiers du GADGES, n° 15, 2018.
Meschonnic, Henri, De la langue française, essai sur une clarté obscure, Hachette, 1997.
Pavy-Guilbert, Élise, L’Image et la langue – Diderot à l’épreuve du langage dans les Salons, Paris, Classiques Garnier, « L’Europe des Lumières », 2014.
Pitavy, Jean-Christophe (dir.), Normes, fictions, pratiques langagières: l’imaginaire linguistique, numéro thématique de la revue Signe, discours et société, n°19, 2017, http://revue-signes.gsu.edu.tr/?revue=161.
Pot, Olivier (dir.), Langues imaginaires et imaginaire de la langue, Cahiers d’Humanisme et Renaissance, n° 148, Genève, Droz, 2018.
Rastier, François, « Apprendre auprès des œuvres : la linguistique à l’école de la littérature », Littérature 2016/1 (N° 181), p. 82-90.
Remysen, Wim, « L’application du modèle de l’Imaginaire linguistique à des corpus écrits. Le cas des chroniques de langage dans la presse québécoise », Langage et Société, 2011, n° 135, p. 47-65.
Rosier, Laurence, « La classe ouvrière va-t-elle au paradis linguistique ? Ou le “style peuple” : de la littérature à Nicolas Sarkozy… », Cahiers Marxistes, n° 242, 2012, p. 31-42.
Saussure, Ferdinand de, Le Sentiment linguistique, Gilles Siouffi (éd.), ENS éditions, 2016.
Siouffi, Gilles, Le “génie de la langue française”. Études sur les structures imaginaires de la description linguistique à l’Age classique, Paris, Champion, 2010.
Comités
Comité d’organisation : Mathieu Bermann, Sophie Bertocchi-Jollin, Mathias Verger, Judith Wulf
Comité scientifique : Mathieu Bermann (Université Paris 8), Éric Bordas (ENS-Lyon), Bernard Cerquiglini (Université de Paris), Stéphane Chaudier (Université de Lille), Anne Herschberg-Pierrot (Université Paris 8), Sophie Bertocchi-Jollin (Université Paris-Saclay), Joël July (Aix-Marseille Université), Lise Gauvin (Université de Montréal), Michèle Monte (Université de Toulon), Bérengère Moricheau-Airaud (Université de Pau), Élise Pavy-Guilbert (Université Bordeaux-Montaigne), François Rastier (CNRS), Gilles Siouffi (Sorbonne Université), Mathias Verger (Université Paris 8), Sandrine Vaudrey-Luigi (Sorbonne Nouvelle), Judith Wulf (Université Paris 8).
Proposition de communication
Les propositions de communication, comprenant un titre et un résumé de 200 à 300 mots, sont à envoyer avant le 29 avril 2022 aux trois adresses suivantes : mathieu.bermann@free.fr mathias.verger@gmail.com Judith.wulf@univ-paris8.fr
Modalités d’inscription
Les participants au colloque doivent adhérer à l’Association Internationale de Stylistique : https://www.styl-m.org/actions-de-lassociation/comment-adherer/