Le 3 Avril 2024
Université d’Orléans
UFR LLSH, salle du conseil
L’Association Internationale de Stylistique (AIS), propose un atelier de méthodologie de la recherche en stylistique, le mercredi 03 avril 2024, à l’Université d’Orléans.
Cet atelier a pour but d’offrir un espace d’échange entre jeunes doctorantes/doctorants ou jeunes docteures/docteurs, de France et de l’étranger, et chercheuses et chercheurs plus aguerris en stylistique. L’AIS a déjà organisé deux journées d’études à l’intention des jeunes chercheuses et chercheurs : en 2017 à l’Université d’Aix-Marseille (« Territoires et frontières du style », coordonnée par Joël July et Philippe Jousset), en 2021 à l’Université Sorbonne-Nouvelle (« Style et goût », coordonnée par Sandrine Vaudrey-Luigi et Judith Wulf).
Pour 2024, l’AIS propose non pas une journée d’études unie autour d’une thématique mais un atelier de travail et de réflexion méthodologique, qui est ouvert à tout type de recherche stylistique. Cet atelier est, pour les jeunes chercheuses et chercheurs, l’occasion de présenter leur travail devant des spécialistes de la discipline, d’affiner leurs méthodes, de réfléchir à leurs perspectives de travail, mais aussi de potentiellement découvrir d’autres manières de travailler en stylistique. Il est également ouvert aux étudiantes, étudiants, collègues, qui souhaitent découvrir (ou mieux connaitre) la recherche en stylistique.
Contacts :
sophie.bertocchi-jollin@uvsq.fr
Programme
Matin
Accueil. À partir de 9h15.
Mot d’introduction. 9h45.
Stylistique et analyse du discours : perspectives comparées : 10h-11h15
Présidente de session : Claire Badiou-Monferran
-Linda Nurmi (Université d’Helsinki) : « Qui parle ? Le DDL (Discours direct Libre) dans la littérature contemporaine française et finlandaise : Duras, Saumont, Siekkinen. »
Cette communication pose la question de savoir quels sont les indices grammaticaux, co(n)textuels, sémantico-logiques et pragmatiques du discours direct libre dans les écritures de Marguerite Duras, Annie Saumont et Raija Siekkinen. Dans cette approche comparée, je m’interroge sur l’enjeu que le DDL produit dans la littérature contemporaine française et finlandaise en me limitant sur les extraits tirés des œuvres des auteures mentionnées ci-dessus. DDL – un phénomène linguistique, discursif et littéraire –, libéré du verbum dicendi ou sentiendi et des marqueurs typographiques, est au cœur du « roman parlant » des XXe et XXIe siècles.
-Carlotta Contrini (Université de Lausanne): « Une proximité distante : le discours indirect libre chez Zola et Verga »
Durant sa recherche doctorale, Carlotta Contrini a étudié le discours indirect libre (DIL) dans L’Assommoir d’Émile Zola et I Malavoglia de Giovanni Verga. En adoptant une approche contrastive, le patron stylistique du DIL a permis de confronter deux œuvres que beaucoup sépare. Zola a contribué à l’extension du dispositif en français grâce à L’Assommoir ; I Malavoglia de Giovanni Verga est la première œuvre de la littérature italienne qui accorde une place de choix au DIL. Son travail, axé sur la stylistique littéraire comparée, évite la simplifation par le critère de l’influence. Elle travaille maintenant sur les traductions italiennes de Zola et les traductions françaises de Verga, envisageant une extension de sa recherche à la période 1830-1930. La méthodologie rarement abordée de la stylistique littéraire comparée révèle des divergences dans l’application et la traduction du DIL, mettant en lumière une opposition profonde dans le mouvement d’assimilation des formes.
Stylistique, polyphonie et pragmatique: 11h15-12h30
Présidente de session : Claire Stolz
-Vianney Dubuc (ENS de Lyon) : « La question de la polyphonie : enjeux de la notion et défis pour une stylistique de l’énonciation »
Depuis les années 1980, le terme de polyphonie a connu un important succès et plusieurs théorisations aussi bien dans le champ des études littéraires que dans ceux de la linguistique et de l’analyse de discours. Nous souhaitons interroger l’emploi de cette notion en stylistique et sur un corpus de textes lyriques. Dans un premier temps, nous introduirons la notion de polyphonie à partir des théorisations les plus importantes. Dans un second temps, nous chercherons à confronter ces méthodologies à travers l’étude d’un texte lyrique. Cette application permettra de montrer que la notion de polyphonie est centrale pour une étude stylistique de l’énonciation. Elle invite à repenser à la fois la définition du genre lyrique trop souvent identifié comme un genre monophonique et elle conduit aussi à laisser, dans la stylistique d’auteur, une place plus importante à la présence du discours autre, du discours des autres et des discours sociaux à l’origine d’hétérogénéités énonciatives. Penser la polyphonie revient à identifier la part sociale constitutive de toute énonciation.
Notes de la communication (PDF)
-Ludovico Monaci (Università degli Studi di Padova/Université de Grenoble Alpes) : « “Ce que je l’ai injurié !” : la violence verbale dans la Recherche de Proust »
Cette intervention se concentre sur la violence verbale dans la Recherche. À partir de la fréquence avec laquelle un tel mot d’injure est prononcé, on retracera les analogies stylistiques communes aux idiolectes et aux sociolectes. L’introduction du critère oppositif en face/dans le dos permettra de dépeindre les tendances discursives et les spécialisations conversationnelles des figures romanesques lorsqu’elles sont les responsables ou les victimes d’une injure ou d’une médisance. En parallèle, par l’analyse des excentricités perlocutoires et des infractions pragmatiques, on témoignera de l’hétérogénéité formelle qui est inscrite dans ce genre de manifestations linguistiques. Notre objectif est de réhabiliter la violence verbale dans les dynamiques romanesques, et de lui restituer la place qui lui incombe au sein de l’œuvre proustienne.
Après-midi
Stylistique et stylométrie: 14h-14h40
Présidente de session : Laélia Véron
Alice Dionnet (Université d’Orléans) : introduction à la stylométrie
Cette présentation en deux temps se consacrera d’abord à la présentation de la stylométrie, de ses objets et objectifs et des techniques qui lui sont associées. Seront utilisés comme exemple les travaux d’attribution d’autorité, notamment ceux effectués par Jean-Baptiste Camps et Florian Cafiero concernant l’attribution des pièces de Molière à Corneille. J’interrogerai ensuite les frontières de la stylistique en montrant comment j’ai utilisé certaines de ces techniques de stylométrie pour comparer le style des romans d’aventures identifiés par les théoriciens du genre et celui des jeux vidéo dits « R.P.G », ou role-playing games, largement influencés par ce genre littéraire et celui de la fantasy, en l’occurrence avec l’exemple de Dragon Age : Origins (2009).
Stylistiques littéraires (syntaxe, ponctuation, sémantique) : 14h40-16h
Présidente de session : Judith Wulf
Pierre Fleury (Sorbonne Université) : « La « méthode Croisset » ou comment intégrer à l’analyse du discours les questions de rythme » (Flaubert, Bouilhet, Hugo)
Louis Bouilhet, le 19 mars 1859, tente de défendre un alexandrin éreinté par Flaubert en l’enjoignant à « scander le vers entier (méthode Croisset) […] Je l’aime, parce que je le dis bien. » Notre communication tâchera d’expliquer ce que peut être une telle « méthode », au croisement de l’écriture et de la lecture – une façon de lire les textes qui soit aussi une façon de les faire parler, c’est-à-dire de les interpréter… au sens où l’entendent les stylisticiens. Quelques exemples de Flaubert et de Hugo nous aiderons à percevoir ce que peut apporter à l’exégèse cette prise en compte du flux configurant de la lecture. Partant, y aurait-il une possibilité théorique pour inclure la phrase (en tant que syntaxe virtuellement « musicale ») dans les paradigmes de l’analyse du discours et de la linguistique énonciative, jugées parfois sourdes à la prosodie et au rythme ?
Clara Cini (Sorbonne Université) : « Pour une stylistique de la ponctuation : variations et permanences dans la représentation du discours autre (RDA), chez Annie Ernaux »
Participant d’une véritable « déliaison généralisée[1] » sensible à toutes les échelles de l’œuvre, la ponctuation ernausienne, aussi bien que son absence, rend parfois difficile la détermination générique du discours autre – que l’on songe ici à l’incipit des Armoires vides. En considérant d’abord les premiers ouvrages de l’autrice, notre intervention analysera ce refus de systématicité syntaxique – particulièrement sensible lorsque les discours autres se télescopent en l’espace d’une page – comme moyen de faire entendre au plus juste et dans un même geste la diversité du dire, de ses modalités et locuteurs au sein même du texte qui les accueille[2]. Dans une perspective évolutive et génétique, nous examinerons dans un second temps les variations et permanences dans l’insertion du discours autre, au fur et à mesure des publications de l’autrice, et leurs enjeux protéiformes.
[1] Francine Dugast-Portes, Annie Ernaux, Étude de l’œuvre, Bordas, 2008, (« Écrivains au présent », 2), p. 153.
[2] Nous nous appuyons en partie sur les travaux de Geneviève Salvan. Voir : Geneviève Salvan, « Ordre des mots et discours rapportés : les discours directs “sans ancrage” dans Journal du dehors d’Annie Ernaux », dans Agnès Fontvielle-Cordani, Stéphanie Thonnerieux (dir.), L’Ordre des mots à la lecture des textes, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2009, (« Textes & Langue »), p. 371‑384.
Ekaterina Nevskaya (Université Côte d’Azur) « Métaphore et interpénétration sémantique dans Le Don de Nabokov »
Dans notre communication, nous nous proposons d’étudier la manière dont le discours métaphorique permet de révéler l’appréhension du monde extralinguistique propre à Fédor, le personnage principal, et d’explorer les potentialités sémantiques du langage. Notre analyse abordera surtout un pattern particulier de la métaphorisation : le glissement d’unités sémantiques et/ou linguistiques à travers différents co(n)textes, produisant des zones de superposition entre énoncés « littéraux » et énoncés « métaphoriques » dont les frontières s’avèrent extrêmement floues. On voit apparaître ainsi toutes sortes d’effets autodialogiques fusionnant les pays, les époques, les objets, les domaines de référence… L’étude de ces effets permet d’esquisser un modèle cognitif et perceptif qui restitue le point de vue de Fédor, tout en mettant à mal la stabilité sémantique du langage (conformément à la démarche littéraire de Fédor-écrivain et, sans doute, à celle de Nabokov). Pour la mener à bien, nous procéderons notamment à des recompositions sémiques des éléments-pivots qui permettent d’intriquer le littéral et le figuré.
16h-16h15 : pause
Stylistique et linguistique : 16h15-17h
Présidente de session : Pauline Bruley
Linguistique, narratologie et stylistique : Diane Kalms (Université de Lausanne) « L’impensée littéraire. Pour une étude sur les récits à la sixième personne » (ils, elles, iels)
Si l’usage narratologique reconnaît le récit à la première et à la troisième personne, les récits à la sixième personne semblent négligés par la théorie littéraire. Pourtant, leur emploi de la sixième personne donne lieu à des effets de style sensément différents d’un texte à l’autre, selon des modalités narratives diverses et variées. Encore considérée par la plupart des grammaires contemporaines comme une simple variation en nombre de la troisième personne, la sixième personne jouirait d’une actualisation théorique de ses propriétés morphosyntaxiques et énonciatives. Subséquemment, en prêchant son autonomisation linguistique, nous postulons que le modèle du récit à la troisième personne (tel qu’il a été théorisé par Gérard Genette) ne peut plus satisfaire les exigences théoriques requises pour une analyse littéraire de la sixième personne dans toute sa rigueur et son exhaustivité.