Une certaine gêne à l’égard du style

Présentation

C’est le style, pense-t-on, qui assure l’unité d’une œuvre. Et l’on imagine aussi que les écrivains travaillent avec une idée plus ou moins claire de la façon dont leurs textes doivent être rédigés, si bien qu’il s’agirait simplement pour eux de faire coïncider leur idéal et leur prose. Or, les choses sont plus compliquées…

Quand on y regarde de près, les pratiques rédactionnelles des écrivains vont à hue et à dia et elles peinent à trouver leur pleine cohérence. On en connaît quelques exemples célèbres : avec bien des premiers lecteurs de Céline, le jeune Claude Lévi-Strauss s’est demandé si c’était bien la même personne qui avait rédigé le début et la fin de certains paragraphes de Voyage au bout de la nuit. Quant aux premières lectures importantes de L’Étranger, toutes se sont étonnées d’une évidente contradiction stylistique dans le roman d’Albert Camus.

Le présent ouvrage se propose dès lors d’interroger les formes stylistiques à partir de leurs tensions et les discours sur le style à partir de leurs failles. Prenant ses premiers appuis sur une dizaine de cas en apparence fort singuliers (Bernanos, Camus, Duras, Ramuz, Sartre, Simenon, Valéry…), il suggère un principe de lecture et esquisse une typologie des contradictions. Mais il avance aussi deux idées : la première veut que toute la prose du xxe siècle ait connu une certaine gêne à l’égard du style ; la seconde veut que la tension stylistique soit finalement le mode d’existence naturelle des œuvres littéraires.

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