Nous venons d’apprendre avec une très grande tristesse la nouvelle de la disparition de Laurence Bougault, à l’âge de 48 ans.
Laurence était notre amie, notre collègue de l’université de Rennes et nous regrettons son énergie communicative, sa curiosité critique, son enthousiasme théorique, sa générosité.
À l’origine de l’AIS, qu’elle avait fondée en 2004 pour rassembler les stylisticiens et mieux faire connaître leurs travaux, elle a largement contribué à donner à cette discipline la consistance d’un champ de recherche.
Auteure d’une œuvre remarquable portant sur les liens entre syntaxe et signifiance en poésie contemporaine et plus largement sur la question des valeurs dans le texte littéraire, elle était aussi poète, romancière, peintre, aventurière à cheval et érudite.
Nos pensées vont à son fils, ses parents, sa famille et ses amis.
Judith Wulf, présidente de l’AIS
Je découvre moi aussi la mort de Laurence. Nous n’étions pas des familiers, mais nous avions eu de belles rencontres. Elle avait pensé un moment candidater sur un poste de professeure à Toulouse, ville où elle avait étudié, je crois. Elle avait communiqué avec moi pour préparer son voyage en Iran à cheval, mais, quoique connaissant pas mal ce pays, je n’étais pas en mesure de répondre à ses questions sur les routes, les gîtes campagnards, le foin, l’avoine… Elle en savait assurément plus que moi sur les races de chevaux vivant en Iran ! Voyage hardi, qu’on déconseillerait à n’importe qui, que je la savais capable de réussir. Je ne sais pas si elle l’a fait, n’ayant pas eu de nouvelle depuis. Si oui, on a dû là-bas la protéger, elle a dû y faire de splendides rencontres, de celles que, quoique parlant un peu farsi, je ne pourrai jamais faire.
Oui, ce rapport entre poésie, langue et syntaxe, poésie et vie, nous rapprochait fortement, et ce goût pour la poésie francophone contemporaine.
Michel Favriaud
« Je serai heureuse jusqu’au bout malgré les douleurs physiques, car la vie est merveilleuse »
Je viens juste d’apprendre, quelque peu tardivement, grâce à l’annonce de Judith Wulf publiée sur le site de l’Association Internationale de Stylistique, l’extinction, en novembre dernier, de Laurence Baugault (48 ans) qui m’avait déjà appris, par elle-même, Vendredi 24 août, qu’elle était gravement malade et qu’elle était « bientôt en partance » (c’est l’expression qu’elle m’avait écrite dans son mail ). « J’ai toujours aimé le péril, avait-elle ajouté, celui ci (sa maladie) est assez intense mais ne me chagrine pas. Je profite de chaque seconde. ». Juste ces mots et quelques autres tout aussi sereins et pénétrants, puis plus rien ! Je pensais à elle de manière discontinue. Je pensais aussi à mon ami Nebil Radhouane qui était en train de partir, comme elle, éprouvée par la même maladie tenace. J’étais dans le doute. Personne n’a eu l’idée de m’avertir à temps de son départ très regrettable. C’est incroyable ! Mon bel univers de stylistique et de poésie se dépeuple de plus en plus et à un rythme vif et étonnant : Georges Molinié, Joëlle Gardes Tamine, Nebil Radhouane puis Laurence Beaugault : tous se connaissaient bien, meublaient par leurs productions et leurs mails une partie de ma vie, une partie de ma culture, une partie de mon bonheur. Tous sont morts suite à un long combat contre cette maladie arbitraire et aveugle dont on peut facilement deviner le nom et imaginer les désastres et les ravages. Laurence était venue au colloque que j’ai organisé, à Sousse, sur « l’émotion poétique », les 1, 2 et 3 mars 2007. Elle était vive, brillante et belle. Un bel homme l’accompagnait, Julien ! Il y avait de la joie, il y avait de l’amour en l’air. Son enfant y était venu aussi, il s’appelle « Loup », et ma femme et moi l’avons aimé. Il avait joué avec notre fille Yasmine qui avait presque son âge. Laurence était heureuse. « Je serai heureuse jusqu’au bout malgré les douleurs physiques, car la vie est merveilleuse », m’avait-elle écrit dans cet ultime mail du 24 août 2018. Depuis ce colloque, nous nous sommes écrits amicalement, pas vraiment beaucoup, de temps en temps, et elle m’a offert sa poésie de qualité où l’on peut découvrir une femme sensible et profonde aux prises avec l’amour et la vie. « Eclats » est le titre de l’un de ses recueils de poèmes : « Eclats/ Ce qui blesse, qui agresse l’œil/ Ce qui se fige dans les chairs moroses /Ce qui éclaire puis retombe dans la nuit/ Telles sont les paroles qui cherchent à venir/ Irriguer sans tarir /Eclats de ce qui échappe/ ». Dans un papier publié dans « La Presse de Tunisie », j’ai élogieusement parlé de ces sublimes « Eclats » de Laurence qui portent « une lumière soudaine et sensuelle, fugace comme une émotion, peinte sur un fond de nuit et qui jaillit dans ces villes de grande solitude hantées par une mort sournoise et silencieuse, cachée pour les yeux, que Rimbaud aime à nommer « La mort sans pleurs » : « La mère est triste/ Elle ne sait pas pleurer/ L’enfant pleure/ A la place de la mère… ».
J’ai ici une grande et affectueuse pensée pour son fils « Loup » que j’ai connu enfant, lors de cet inoubliable colloque international de Mars 2007 où étaient venus aussi Michel Collot, Brigitte Buffard-Moret, Samia Kassab Charfi, Alia Baccar, Agnès Fontvieille, Philippe Zard, le poète Lionel Ray et d’autres. Quel destin marquant pour cet enfant qui –m’avait-elle écrit- « a 15 ans et doit devenir un homme bien trop tôt mais il est formidable » !
Sincères condoléances à Loup, à ses parents, à Judith Wulf, sa collègue et son amie et à l’AIS. Qu’elle repose en paix !
Ridha Bourkhis
FLSH- Université de Sousse, Tunisie.
Le 22 janvier 2019
Quelques ouvrages et articles de Laurence Bougault
Ouvrages universitaires
1. 2005 : Poésie et réalité, essai tiré de la thèse de doctorat Cosmos et logos dans la poésie moderne, l’Harmattan, 396 p.
2. 2009a : Dir. de Guillevic et la langue, acte du colloque Guillevic et la Langue, Rennes, à paraître aux éditions Calliopées, 250 p.
3. 2010 : Co-dir. de Stylistiques ?, PUR, 503 p.
4. 2011 : Co-dir. de Lorand Gaspar et la langue, éditions styl-m de l’AIS, 285 p.
5. 2011 : Dir. Formes et normes en poésie moderne et contemporaine, publication en ligne sur http://www.styl-m.org/pdf/Bougault:WulfFORMESETNORMES.pdf
6. 2014 : Co-dir. Le style, découpeur du réel, PUR, 2014.
7. 2015 : Dir. Vocabulaire équestre, éd. Cheval-Culture, 208 p.
Recueils de Poésie et romans
1. Le Grand Jouir, recueil poétique, Le Rewidiage, 1998.
2. Éclats, recueil de poèmes publiés avec le concours du CNL, éditions du Sandre, 2003.
3. Les Métamorphoses de l’Amour-Cheval, roman, éd. Cheval-Culture, 2010.
4. Éclats de chevauchées & Poèmes d’Amour-Cheval, éd. Cheval-Culture, 2012.
Ouvrages autour du cheval
1. Sous l’oeil des chevaux d’Afrique, Belin, 2003.
2. Chevaux entiers et étalons, mieux les connaître, mieux les comprendre, éd. Du Rocher, 2009.
3. La Liberté du Centaure, petit traité sur le coyage à cheval, Transboréal, 2010.
4. Amazone de la Paix, tome 1 et 2, éd. Cheval-Culture, 2013.
5. Approches linguistiques du vocabulaire équestre, éd. Cheval-Culture, 2015.
6. Égo-dictionnaire du cheval, Éditions Dumane, 2017.
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Bonjour,
C’est avec tristesse que j’apprends la nouvelle du décès de Madame Bougault.
Quelques mots pour témoigner en tant qu’ancienne élève de ses cours à Rennes 2, il y a presque vingt ans. C’est une professeure qui a marqué ma vie, mon parcours, qui a constitué un modèle.
Un modèle de femme et un modèle de prof (je suis devenue prof et elle reste un repère important). Dès le premier cours, tout était là, intensément, fortement ; la transmission exaltante de son savoir, un ton si nouveau, loin des conventions et de la froideur. Une personnalité, une liberté, une beauté, un truc franc. Un souffle énorme, vivifiant, qui me donnait envie de me jeter dans les textes avec passion.
Ma gratitude demeure intacte après tout ce temps. Mon admiration aussi. MERCI
Toutes mes pensées aux proches de Madame Bougault,
Adeline Garcia
J’ai appris aujourd’hui le décès de Laurence Bougault et j’en suis attristée.
Si je devais retenir un enseignant qui a marqué mon parcours universitaire, ce serait elle. Pour l’enseignante incroyable qu’elle était, mais aussi parce qu’elle était elle-même, libre, drôle, vive, piquante, entière, énergique, attachante.
Pas de posture, de tricherie.
Elle a contribué sans le savoir à ma façon d’appréhender le monde. Elle m’a aussi décomplexée face à ce gros mot qu’est la littérature, car avec elle, les textes étaient incarnés, elle savait transmettre leur petite musique comme personne. Ses cours étaient d’une ambition, d’une clarté et d’une densité folle. C’était comme se brancher à une intelligence hors norme, une acuité, une façon d’être au monde. Elle nous a fait grandir, réfléchir, penser le monde, elle nous a appris, par le biais du texte, à trouver notre façon de poser notre regard. On se sentait un peu moins bête, un peu plus lucide, plus vulnérable aussi. C’était en l’an 2000. Elle avait commencé son premier cours en nous disant que les études de lettres, c’était du luxe; que ça ne servait à rien; et que par conséquent, notre devoir était de les faire à fond.
Je pense que pour certaines jeunes filles comme moi à l’époque, elle était un vrai modèle d’indépendance et de liberté, sans qu’on ne se le formule.
J’aime bien ce qu’elle a mis sur le profil de son facebook: « a habité: dans le monde » « a étudié: les livres et les chevaux ».
Toutes mes pensées à ses proches, ses collègues, ses amis. Merci pour tout Madame Bougault.
J’ai lu la liberté du Centaure, un peu par hasard, et aimant aussi les chevaux.
Ce livre m’a emballée et en cherchant plus sur l’auteure j’ai appris sa mort à 48 ans! Trop tôt comme mon mari parti à 50 ans; Mais leur vie vécue à fond, n’a rien à regretter, sinon le vide qu’ils laissent à ceux qui restent.
Avec toutes mes condoléances tardives à sa famille et ses amis.
Manuela PLASCHY
A l’aube de l’année 2024 je faisais le tour des personnes qui avaient comptées pour moi et décédées ces dernières années ; Laurence à qui j’avais fait un éloge à son enterrement à Gaël, le 31 Octobre 2018, et que je viens de relire était une personne marquante.
Oui Laurence était une étoile filante avec un haut potentiel intellectuel, ce genre de personnalité qui ont vécu tant de choses sur une courte durée que le destin a fait qu’il n’était pas nécessaire de vivre plus longtemps. C’est extrêmement douloureux pour les proches mais il faut conserver la lumière de cette personnalité et ses écrits. Je suis la fille de Jean de Concoret chez qui elle venait chercher le fourrage pour ses chevaux loin de l’université de Rennes mais si proche. Je lance une bouteille a la mer. Ce sont le mystères du WEB Amitié aux amis de Laurence